L’architecture numérique

Folie numérique | Qu’est-ce qui a poussé trois étudiants à se lancer dans la construction d’un pavillon à l’échelle 1 :1 conçu et réalisé avec les outils numériques ? 

En juin dernier, nous avons inauguré « folie numérique », un pavillon construit aux jardins de Métis. Ce projet est né du désir de trois finissants à la maîtrise en architecture de confronter la conception numérique à la réalité constructive. Il exploite l’apport des outils numériques au sein du processus de conception architectural. Mettant de l’avant-plan l’expérimentation matérielle à la manière d’un atelier de «design-build», le projet privilégie un mode d’apprentissage de l’architecture qui demande aux étudiants de se réengager physiquement avec l’acte de construire. Ce perpétuel aller-retour entre la conception et la fabrication est grandement facilité par l’utilisation de logiciels de modélisation paramétrique et d’outils, tels que les fraiseuses CNC, les imprimantes 3D et les découpeuses laser.

D’un point de vue académique, le Design-Build possède un potentiel non négligeable en termes de psychologie éducative. En effet, l’implication des étudiants dans le processus global de conception et de construction d’un projet réel permet à ceux-ci de développer leur savoir-faire et leur savoir-être de manière inégalée. Ils sont amenés à prendre en charge une liste impressionnante et variée de tâches (communication, gestion, budget, calendrier, etc.). Cet impact brutal avec la réalité de la pratique oblige ceux-ci à se forger rapidement des compétences professionnelles. 

Nous croyons fondamentalement que la boucle itérative entre la conception et la fabrication est essentielle à un bon projet d’architecture. La démocratisation des outils de fabrication numériques dans la pratique architecturale permet à l’architecte de reprendre son chapeau de constructeur; une sorte de « révolution constructive numérique ».  

Les jardins de Métis, véritable terrain de jeu pour les architectes et designer du monde entier depuis plus de vingt ans, nous a ouvert toutes grandes les portes à venir réaliser un projet sur leur site. Dans le domaine de l’architecture paysagère, le terme «folie» ou «folly» fait référence aux petits pavillons extravagants qui parsemaient les jardins anglais du XVIIIe siècle. À l’abri des regards, savamment disposés dans les luxueux paysages des domaines aristocratiques, ces structures se découvraient aux promeneurs plus curieux. Aux multiples usages, les folies sont des espaces intimes qui offrent aux promeneurs un lieu de communion entre l’homme et la nature.

(Photo pavillon_crédit Kayla Maurice)

(Photo pavillon_crédit Kayla Maurice)

Cette folie est constituée de deux parties principales : le cœur et le voile. Le cœur central en gabion est fait d’une structure de bois composée de colonnes et d’une lisse basse et haute. Une fois assemblé, un grillage, fixé par des agrafes aux colonnes, entoure la structure. L’ensemble est solidifié par des fils de fer qui retiennent le grillage ponctuellement. Déposées à l’intérieur du cœur, des roches concassées complètent le tout. Le voile en bois, quant à lui, se détache progressivement du sol pour dégager la vue du promeneur vers le paysage de l’étang. Ses éléments de bois sont tous taillés par une fraiseuse à commandes numériques (CNC), selon la technique structurale du gaufrage (waffle structure). Cette dernière est basée sur les assemblages à mi-bois et fréquemment utilisée pour générer des formes conçues numériquement. Les matériaux naturels et à proximité des jardins ont été privilégiés pour la construction du pavillon, comme la pierre du cœur qui provient d’une carrière à Rimouski. Le bois, principal matériau du pavillon, a été choisi pour son potentiel de manipulation avec les outils de fabrication numérique. L’essence choisie pour la structure centrale est le cèdre, en raison de sa résistance à la putréfaction et de sa disponibilité dans la région du Bas-St-Laurent. Le voile, pour sa part, est réalisé en contreplaqué de merisier russe et traité avec du goudron de pin, un protecteur à base naturelle utilisé en construction navale depuis des siècles. 

Dix tonnes de roches, ça ne se déplace pas tout seul…dans cette aventure, nous avons entraîné plusieurs collègues et amis étudiants en architecture, qui se sont plongés corps et âme dans cette aventure humaine et ce projet audacieux. Sans eux, nous n’aurions jamais pu y arriver. 

« Let us at last break down the walls erected by our deforming academic training between the ‘arts’ and all of us become builders again! Let us together will, think out, create the new idea of architecture » 

Walter Gropius

L’Atelier Mock-up | Démarrage d’une start-up de fabrication numérique dédiée aux architectes et aux designers.

La situation frappe l’imaginaire, actuellement, 90% des finissants en architecture ont utilisé d’une quelconque façon les services du Fablab dans la matérialisation de leur projet final de maîtrise. Dans les dernières années, nous avons vu nombres de nos collègues du Fablab, s’exiler en Europe et un peu partout dans le monde afin de pouvoir continuer à concevoir et développer leurs compétences dans le domaine de l’architecture numérique. Plusieurs d’entre nous avons appris au cours de notre parcours universitaire à concevoir selon les possibilités offertes par les outils de fabrication numérique. Une fois dans le monde professionnel, la coupure est drastique et l’accessibilité à ces nouvelles technologies se fait rare. La difficulté pour les architectes est également éprouvante quand vient le temps de faire fabriquer des éléments architecturaux sur mesure. En effet, le dialogue entre le fabricant et l’architecte est ardu, le tout devenant coûteux en termes de temps, d’énergie et d’argent. Avec l’industrialisation, la standardisation s’est imposée, ne laissant que très peu de place à la créativité du concepteur. 

(Mettre petite image caricature)

(Mettre petite image caricature)

Impliqué depuis plusieurs années dans le laboratoire de fabrication numérique de l’école, nous avons acquis des connaissances et un savoir-faire qui est précieux. Au mois de mars dernier, nous avons participé, un peu sur un coup de tête, (et avouons-le un peu dernière minute comme tout bon étudiant en architecture) au défi Ose entreprendre, un large concours mis en place pour encourager l’audace entrepreneuriale dans la province de Québec. Nous avons finalement gagné les deux premiers volets du concours ce qui nous a donné l’élan pour aller encore plus loin et matérialiser notre projet d’entreprise comme nous l’avions fait avec le projet du pavillon. Nous avons donc fondé le mois passé l’Atelier Mock-up, une start-up mise sur pied par des jeunes diplômés en architecture (ou en voit de l’être) qui souhaite en quelque sorte transposer dans le monde professionnel les possibilités créatrices et novatrices que permettent les outils de fabrication numériques. 

Pour nous, l’Atelier Mock-up est un prolongement, une suite logique à notre expérience marquante au sein du Fablab. Le pavillon numérique fut en quelque sorte l’étincelle qui nous a donné envie de croire que nous pouvions faire une différence dans notre domaine. Au-delà du geste ou de la forme « numérique », nous croyons que le dialogue entre l’outil de conception et l’outil de fabrication permettra d’intégrer une plus-value au design architectural. Notre entreprise suit les traces de prédécesseurs inspirants tels que Nadaaa à Boston, Design-to-production en Suisse et Eventscape à Toronto, pour ne nommer que ceux-là. Dans la préface de l’exposition qui accompagnait le projet du pavillon, le professeur Samuel Bernier-Lavigne (fondateur du Fablab de l’école d’architecture) résumait avec une grande justesse le point d’ancrage de nos efforts; 

« ces futurs architectes rêvent à un nouveau modèle de pratique. Celui-ci se situe au confluent de plusieurs spécificités de la discipline : évidemment l’architecte comme concepteur, mais aussi l’architecte comme chercheur, l’architecte comme maker (mouvement visant la réalisation matérielle d’idées expérimentales émergeant de la culture des fablabs), puis l’architecte comme entrepreneur ». 

Il s’agit d’abord et avant tout de tenter de mettre de l’avant le savoir-faire et le talent des créateurs d’ici. De permettre à nos amis, nos collègues, aux architectes et aux designers de tous les horizons d’innover et de repousser les limites de leur créativité. Au-delà du projet d’idéation, du projet d’architecture ou bien même du projet d’entreprise, nous aspirons à faire notre part pour élever la qualité, réduire les limites de la construction et en faire bénéficier l’architecture. 

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